Training 4 - Formation à l’enquête en terrain sensible au Maghreb
Du 21 au 25 juin 2021, le projet Sfax Forward à organisé une formation portant sur les spécificités des recherches dites sensibles.
Cette formation a constitué un moment de dialogue entre, d’une part, des fondements théoriques et épistémologiques et, d’autre part, des expériences de recherche sur des terrains sensibles. Elle a permis aux jeunes chercheur-e-s à communiquer sur leur parcours de recherche en pointant les difficultés du terrain, les stratégies déployées pour les contourner et les ajustements engagés pour la concrétisation de leur projet.
Dans le cadre de cet exercice, différentes problématiques ont été envisagées : l’identité sexuelle du chercheur-e sur le terrain, les questions éthiques, la gestion des charges émotionnelles dans la relation d’enquête, etc. Ces différents aspects traversent inévitablement les terrains sensibles et rendent compte des multiples formes d’arrangement au bénéfice de la collecte des données pertinentes.
La formation a donné lieu à une publication: "Terrains sensibles au Maghreb et au-delà. Acteurs, chercheurs et affects".
La formation a été organisée par Mme Monia Lachheb, Sociologue, maîtresse de conférences(HdR) et chercheure à l’Institut de recherche du Maghreb Contemporain à Tunis (IRMC, USR3077) et Mme Constance De Gourcy, Sociologue, Maîtresse de Conférences (HdR) au Centre méditerranéen de sociologie, de science politique et d’histoire (MESOPOLHIS UMR 7064, Aix-Marseille Université).
Résumé de l'approche : La particularité des sciences sociales est qu’elles exigent du chercheur des donnéesempiriques qui servent de socle pour son analyse et sa lecture du réel. Ces données émanent du terrain qui correspond à un espace, un objet, des interactions avec des personnes ressources et des personnes enquêté-e-s selon une démarche scientifique (De Sardan, 2008). Le terrain se définit certes de manière protéiforme et requiert que le chercheur se plie à ses exigences et s’adapte à ses prescriptions. « Sur le terrain, en effet, l’ethnologue est coupé de son lieu "propre". Il doit circuler avec ses propres moyens sur un territoire qu’il ne maîtrise pas, et qui est au contraire contrôlé par d’autres institutions, d’autres instances de pouvoir » (Albera, 2001). Quelles sont les « techniques du corps » qui se déploient en situation ? Comment l’épreuve de terrain impacte-t-elle le processus de recherche en sciences sociales et incite-t-elle à un profond travail entre objectivation et subjectivation ? La question des sexualités, le genre, la classe d’origine, le milieu carcéral, les migrations clandestines, les religions, le domaine du VIH/sida, les lieux de guerres et de conflits..., constituent autant de terrains sensibles. Ces terrains concernent des pratiques illégales et des objets atypique, tabous ou à la marge, touchent à des individus stigmatisés et des groupes sociaux peu visibles, évoquent des situations dangereuses et des lieux risqués particulièrement en situation de pandémie. Ils posent par ailleurs des enjeux socio-politiques liés à la restitution des données (Bouillon et al., 2005). Ce faisant, la qualification de « sensible » pour un projet de recherche porte en elle la nécessité de prendre en compte des décisions pragmatiques, de se poser des questionnements éthiques et de procéder à des ajustements constants. Ainsi, les terrains sensibles interrogent la posture du chercheur, son rapport au travail d’enquête et aux personnes enquêtées (Hennequin, 2012). Ils imposent au chercheur de conjuguer des exigences méthodologiques et la nécessité de recourir à des usages pratiques et efficaces. Les terrains sensibles se construisent et participent à la structuration de parcours de recherche singuliers traversés inévitablement par des adaptations méthodologiques. Le croisement des regards disciplinaires, la mise en perspective des terrains dits sensibles au Nord et au Sud de la Méditerranée renseignent sur la question de la réflexivité et ses enjeux qui se posent aux doctorant-e-s et aux chercheurs sur les terrains sensibles dans des contextes socio-politiques différents.
Comité Scientifique : Nacira Abrous, Linguiste, IREMAM, MMSH; Christophe Broqua, Anthropologue, Chargé de recherche, CNRS; Nathalie Chapon, Sociologue, Enseignante-chercheure, MESOPOLHIS; Meriem Cheikh, Anthropologue, INALCO; Sylvie Chiousse, Socio- anthropologue, MESOPOLHIS; Constance De Gourcy, Sociologue, Maîtresse de Conférences HDR, MESOPOLHIS; Marta Roca Escoda, Sociologue, Maître d'enseignement et de recherche, Université de Lausanne; Laurence Herault, Anthropologue, Professeure, IDEMEC; Ons Kamoun, Maître-Assistante, Cinéaste, École supérieure de l’audiovisuel et du cinéma, Tunis; Monia Lachheb, Sociologue, chercheure à l’IRMC, USR 3077; Karine Lambert, Historienne, Maîtresse de conférences, TELEMME; Imed Melliti, Sociologue, professeur des universités, Institut supérieur des sciences humaines de Tunis; Sandrine Musso, Anthropologue, Maîtresse de Conférences, Aix-Marseille Université; Zakaria Rhani, Anthropologue, professeur habilité, Institut universitaire de la recherche scientifique, Université Mohammed V, Rabat; Hery Rakoto-Raharimanana, Sociologue, Maître de conférences, INSPE, Aix- Marseille Université; Oissila Saaidia, Professeur des universités, historienne, directrice de l’IRMC, USR 3077